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Les pauvres, nos frères et nos maîtres

A l’occasion de la Journée Mondiale des Pauvres, instituée le 33ème dimanche du temps ordinaire, cette année le 16 novembre, la paroisse organise un dimanche de la Fraternité. Une manière d’accueillir les pauvres comme nos frères et de se laisser enseigner l’Évangile par eux. Une manière d’accueillir notre pauvreté dans la joie du salut!

En effet, les pauvres nous renvoient au cœur du message de l’Évangile, comme nous le rappelle le pape Léon dans son exhortation apostolique sur l’amour envers les pauvres du nom de Dilexi Te (DT) « Moi, je t’ai aimée » dit Jésus à une église pauvre en Apocalypse 3,9. Voici quelques passages de cette exhortation:

Le pauvre révèle Jésus

Il s’agit de percevoir le lien fort qui existe entre l’amour du Christ et son appel à nous faire proches des pauvres (DT nº3). Dans l’Évangile, une femme verse sur les pieds de Jésus une huile parfumée très précieuse et provoque une controverse entre Jésus et ses disciples. Ces derniers disent « à quoi bon ce gaspillage, cela pouvait être vendu bien cher et donné à des pauvres ! » et Jésus répond « les pauvres, vous les aurez toujours avec vous » (Mt 26, 8-9.11). Ceux qui souffrent – comme Jésus la veille de sa Passion – savent combien ce geste d’affection peut être grand et quel soulagement il peut apporter ; c’est pourquoi Jésus ajoute « partout où sera proclamé cet Évangile, dans le monde entier, on redira à sa mémoire ce qu’elle vient de faire » (Mt 26, 13). Cette parole du Seigneur revient à l’esprit : « Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). Nous ne sommes pas dans le domaine de la bienfaisance, mais dans celui de la Révélation : le contact avec ceux qui n’ont ni pouvoir ni grandeur est une manière fondamentale de rencontrer le Seigneur de l’histoire. À travers les pauvres, Il a encore quelque chose à nous dire. » (DT nº4.5)

Qui sont les pauvres d’aujourd’hui?  

On mesure trop souvent la bonne santé d’un pays à sa croissance économique. Il nous faut vivre un changement de mentalité, comme le culte du confort, de l’accumulation des richesses ou la réussite sociale à tout prix. Les idéaux sociaux dominants ne favorisent-ils pas les plus forts ? Les pauvres ne sont-ils pas de plus en plus nombreux dans le monde ? « Cela signifie que persiste encore – parfois bien masquée – une culture qui rejette les autres sans même s’en rendre compte et qui tolère avec indifférence que des millions de personnes meurent de faim ou survivent dans des conditions indignes de l’être humain » (DT nº11). Dans le contexte de notre paroisse, la pauvreté revêt diverses précarités, matérielles, psychologiques, relationnelles par l’isolement, l maladie ou le handicap, la division dans les familles, l’immigration et la difficulté de la langue. Pourtant, la plus grande des misères qui défigure la personne humaine est celle de ne pas se sentir aimé et reconnu. Le pauvre n’est pas un problème à affronter mais un frère à aimer et à accueillir. Il n’est pas l’objet de notre service mais un sujet et un acteur de la société à part entière. Alors pourquoi ne serait-il pas un acteur dans notre communauté chrétienne ?

Vers un printemps de l’Église avec les pauvres

Dans le contexte sociétal du XIIème siècle de concentration des richesses et d’émergence de nouvelles formes de pauvreté, l’Esprit Saint donna naissance à un nouveau type de consécration dans l’Église : les Ordres mendiants qui refusent la sécurité des biens matériels et vivent itinérants. St François d’Assise est devenu l’icône du printemps spirituel de l’Église en épousant la pauvreté. Il ne se limite pas à servir les pauvres, il se fait pauvre avec eux, il voit les marginaux comme des nouveaux maîtres spirituels. Ce mouvement représente « une révolution évangélique dans laquelle le style de vie simple et pauvre devient un signe prophétique pour la mission, faisant revivre l’expérience de la première communauté chrétienne (cf. Ac 4, 32) » (DT nº63-64). « François n’a pas fondé une réalité de service social, mais une fraternité évangélique. Il a vu dans les pauvres des frères et des images vivantes du Seigneur. Sa mission était d’être avec eux, dans une solidarité qui dépassait les distances, dans un amour compatissant. Sa pauvreté était relationnelle : elle le conduisait à se faire proche, égal, voire inférieur. Sa sainteté germait de la conviction que l’on ne peut vraiment recevoir le Christ qu’en se donnant généreusement aux frères. » (DT nº64) Alors, sommes nous prêts à vivre un réveil évangélique dans notre Église sur les pas de St François ?

La doctrine sociale de l’Église et l’option préférentielle pour les pauvres

Depuis le XIXème siècle, les Papes abordent la question du travail en dénonçant la situation intolérable de nombreux ouvriers de l’industrie et proposant l’instauration d’un ordre social juste. La doctrine sociale de l’Église a élaboré des principes dans ce sens pour la construction d’une civilisation de l’amour en ce monde. De plus, « un don fondamental pour le cheminement de l’Église universelle est représenté par le document de la Conférence d’Aparecida (2007), dans lequel les évêques latino-américains ont expliqué que le choix préférentiel de l’Église pour les pauvres « est inscrit dans la foi christologique en ce Dieu qui s’est fait pauvre pour nous, pour nous enrichir de sa pauvreté (2 Co 8,9) » (DT nº99). Il s’agit de rencontrer le Christ dans le pauvre et avec lui car il est également sujet de la rencontre.

L’expérience transformante de la pauvreté

L’option préférentielle pour les pauvres exige une attention à l’autre. « Cette attention aimante est le début d’une véritable préoccupation pour sa personne, à partir de laquelle je désire chercher effectivement son bien. Cela implique de valoriser le pauvre dans sa bonté propre, avec sa manière d’être, avec sa culture, avec sa façon de vivre la foi (…) j’adresse mes sincères remerciements à tous ceux qui ont choisi de vivre parmi les pauvres : ceux qui ne se contentent pas de leur rendre visite de temps en temps, mais qui vivent avec eux et comme eux. C’est une option qui doit trouver sa place parmi les formes les plus élevées de la vie évangélique. » (DT nº101). Le Pape Léon invite les chrétiens à évaluer positivement la manière “populaire” des pauvres de vivre la foi. « Il est nécessaire que tous nous nous laissions évangéliser par les pauvres », et que nous reconnaissions la sagesse que Dieu veut nous communiquer à travers eux. Ayant grandi dans la précarité, appris à survivre dans les conditions défavorables, ils ont appris à faire confiance à la Providence de Dieu (cf. DT nº102). Ils nous invitent à simplifier notre vie d’enfants de Dieu.

L’amour des pauvres est une « question de famille »

L’amour des pauvres est un élément essentiel de l’histoire de Dieu avec nous et, du cœur même de l’Église, il jaillit comme un appel continu aux cœurs des croyants, aussi bien des communautés que des fidèles individuels. En tant que Corps du Christ, l’Église ressent comme sa “chair” propre la vie des pauvres, une « question de famille » et non pas un problème social. C’est pourquoi l’amour des pauvres – quelle que soit la forme sous laquelle se manifeste cette pauvreté – est la garantie évangélique d’une Église fidèle au cœur de Dieu. (DT nº103-104). L’indifférence est le mode de vie le plus répandu dans notre société, parfois de manière subtile, c’est pourquoi, redisons avec Grégoire le Grand (Pape du VIème siècle) « ne perdez pas le temps de la miséricorde, ne négligez pas le remède que vous avez reçu » (DT nº108).  Encouragés par St Jean Chrysostome, ne négligeons pas l’aumône « L’aumône est l’aile de la prière. Si donc tu ne donnes pas une aile à ta prière, elle ne vole pas ». St Grégoire de Nazianze écrivait en référence à la parabole du pauvre Lazare « Offrons la miséricorde à Dieu dans les pauvres, afin qu’à notre départ d’ici, ils nous accueillent dans les tentes éternelles » (DT nº118).

Alors prenons au mot l’appel à la pauvreté du Christ et de l’Église. Les pauvres ne sont-ils pas nos frères et nos maîtres ? Alors mettons-nous à leur école! Participons au dimanche de la Fraternité à St Jacques et là où il sera célébré.